Qu’est-ce que la sclérose en plaques vraiment ?
La sclérose en plaques (SEP) n’est pas une maladie unique. C’est un processus silencieux qui détruit lentement les nerfs de votre cerveau et de votre moelle épinière. Au départ, votre système immunitaire attaque la gaine de myéline, cette couche isolante qui entoure les fibres nerveuses. Sans cette protection, les signaux électriques entre votre cerveau et votre corps se brouillent. Vous pouvez avoir des picotements, une faiblesse soudaine, une perte de vision, ou une fatigue extrême. Ces épisodes, appelés poussées, semblent disparaître… mais chaque poussée laisse une trace.
La plupart des gens diagnostiqués ont la forme rémittente-récurrente (RRMS), qui représente 85 % des cas. À ce stade, les symptômes viennent et partent. Mais pour près de 40 % d’entre eux, cette forme évolue vers une forme progressive secondaire (SPMS) dans les 10 à 15 ans. Là, les symptômes ne régressent plus. La dégradation continue, même sans nouvelle poussée. Ce n’est pas une rechute. C’est une dégénérescence silencieuse.
Pourquoi la dégradation neurologique ne s’arrête-t-elle pas ?
La clé, c’est l’axone. La myéline peut se réparer, mais l’axone, cette longue fibre nerveuse qui transmet les signaux, ne le peut pas. Quand la myéline est détruite, l’axone devient vulnérable. Il est exposé aux molécules inflammatoires, aux radicaux libres, aux enzymes qui le détruisent. Des études post-mortem montrent que dans les lésions chroniques, jusqu’à 50 % des axones démyélinisés ont un contenu cellulaire anormal : moins de mitochondries, moins de microtubules, des filaments de neurofilaments fragmentés. C’est comme un câble électrique dont l’isolant est arraché - le courant fuit, et le câble finit par se casser.
Et ce n’est pas seulement dans les lésions visibles à l’IRM. Même dans les zones du cerveau qui semblent normales, on trouve des signes de dégénérescence axonale. L’IRM à transfert de magnétisation (MTR) révèle des changements subtils dans la matière blanche, liés à l’activation des microglies, ces cellules immunitaires du cerveau. Ces changements prédisent mieux la progression de la maladie que les nouvelles lésions. La perte de matière grise, elle, corrèle directement avec la perte de fonction - plus que l’échelle EDSS traditionnelle. C’est pourquoi les chercheurs utilisent désormais le MSFC, un test combiné de marche, de coordination et de mémoire, pour mesurer la dégradation réelle.
Les thérapies modifiant la maladie : ce qu’elles font… et ce qu’elles ne font pas
Il existe 21 traitements approuvés par la FDA pour la SEP. La plupart sont des thérapies modifiant la maladie (TDM). Elles réduisent les poussées de 30 à 50 %. Elles diminuent les lésions visibles à l’IRM. Elles ralentissent la perte de volume cérébral. Mais elles n’arrêtent pas la dégénérescence neurologique chez les patients en phase progressive.
Les TDM ciblent l’inflammation. Elles bloquent les lymphocytes T, détruisent les cellules B, ou empêchent les cellules immunitaires de franchir la barrière hémato-encéphalique. Elles fonctionnent bien en RRMS, parce que l’inflammation est le moteur principal. Mais en SPMS ou PPMS, l’inflammation diminue avec le temps. Ce qui reste, c’est la dégénérescence interne : les axones qui meurent par manque d’énergie, les mitochondries qui échouent, les canaux sodiques qui se désorganisent. Aucun traitement actuel ne corrige cela.
C’est pourquoi les patients en phase progressive ne répondent plus aux TDM classiques. Leur cerveau n’est plus attaqué de l’extérieur. Il s’auto-détruit de l’intérieur. Des études montrent que les patients avec des structures folliculaires dans les méninges - comme des ganglions immunitaires dans le cerveau - ont une forme plus agressive, avec un âge de début plus jeune, une invalidité plus sévère, et un taux de mortalité plus élevé. Ces structures sont alimentées par les cellules B, qui, dans la phase progressive, deviennent les véritables responsables de la neurodégénérescence.
Que se passe-t-il dans le cerveau quand la maladie progresse ?
Le cerveau essaie de se compenser. Au début, il recrute d’autres zones pour reprendre les fonctions perdues. Des études en IRM fonctionnelle montrent que des régions du cortex qui n’étaient pas impliquées dans un mouvement donné commencent à s’activer pour le faire. C’est l’adaptation neuroplastique. Mais cette capacité a une limite. Quand les axones meurent en masse, le cerveau ne peut plus réorganiser. La compensation échoue. La perte devient permanente.
Des protéines comme le Nogo, le MAG et l’OMG bloquent toute tentative de régénération. Elles agissent comme des signaux d’arrêt pour les neurones. Leur récepteur, le LINGO-1, est une cible prometteuse. Des essais cliniques testent des anticorps pour le bloquer. Mais même si on répare la myéline, si les axones sont déjà morts, la réparation ne sert à rien. La question n’est plus seulement d’arrêter l’inflammation. C’est de protéger les neurones avant qu’ils ne meurent.
Des chercheurs comme Bruce Trapp ont montré que la perte d’axones et de neurones est la cause principale de la dégradation permanente. Et selon Luciano Battaglia, la défaillance mitochondriale joue un rôle central dans cette phase. Les neurones ont besoin d’énergie pour fonctionner. Quand les mitochondries ne produisent plus assez d’ATP, les axones se dégradent. C’est comme une ville sans électricité : les lumières s’éteignent, même si les routes sont intactes.
Les nouvelles pistes de recherche : protéger, réparer, régénérer
Les essais cliniques actuels ne se concentrent plus seulement sur l’inflammation. 17 essais en phase II/III, selon ClinicalTrials.gov en octobre 2023, ciblent la neuroprotection. Trois grandes voies sont explorées :
- Les modulateurs de canaux sodiques : Les axones démyélinisés perdent leurs canaux Na+ et leur pompe Na+/K+. Cela les rend hyperexcitables, puis épuisés. Des médicaments comme l’acétazolamide ou le fenofibrate réduisent cette surcharge ionique. Des études montrent qu’ils ralentissent la perte de volume cérébral.
- Les protecteurs mitochondriaux : Des composés comme l’acide lipoïque, le coenzyme Q10 ou le ibudilast visent à améliorer la production d’énergie dans les neurones. Leibniz Institute a montré que l’ibudilast réduit la perte de matière grise chez les patients en SPMS.
- La rémyélinisation : Des molécules comme l’opipramol, le clemastine ou les anticorps anti-LINGO-1 tentent de stimuler les cellules souches oligodendrocytaires à produire de la nouvelle myéline. Le premier essai avec le clemastine a montré une amélioration de la conduction nerveuse, mais pas de réduction de l’invalidité.
La perte des récepteurs β2-adrénergiques des astrocytes est aussi une piste majeure. Ces cellules aident à réguler l’inflammation et le métabolisme neuronal. Quand elles perdent ces récepteurs, elles ne répondent plus à la noradrénaline. Leur fonction décline. Des chercheurs pensent qu’un traitement ciblant ce système pourrait protéger à la fois contre l’inflammation et la dégénérescence.
Que peut-on faire aujourd’hui ?
Si vous êtes en phase rémittente, commencez un traitement modifiant la maladie dès que possible. Plus tôt vous agissez, moins vous aurez de lésions accumulées. Si vous êtes en phase progressive, les TDM classiques ne vous aideront plus. Mais vous pouvez encore agir :
- Contrôlez votre pression artérielle et votre cholestérol. La santé vasculaire du cerveau influence la survie des neurones.
- Faites de l’exercice régulier. La marche, le vélo, la natation améliorent la circulation, réduisent l’inflammation et stimulent la neuroplasticité.
- Évitez le tabac. Fumer double le risque de progression vers la forme progressive.
- Surveillez votre vitamine D. Des études montrent que les niveaux bas sont liés à une progression plus rapide.
- Utilisez des aides fonctionnelles. Une canne, un déambulateur, un fauteuil roulant léger peuvent préserver votre autonomie et votre énergie.
La recherche avance. Des traitements neuroprotecteurs pourraient arriver dans les 5 prochaines années. Mais ce qui compte maintenant, c’est de préserver ce qui reste. Votre cerveau a encore une capacité d’adaptation. Il ne faut pas la gaspiller.
Comment mesurer la progression ?
Le score EDSS, utilisé depuis les années 1980, mesure la mobilité. Il ne voit pas la perte de mémoire, la fatigue, les troubles de la parole ou de la coordination. C’est pourquoi les neurologues utilisent de plus en plus le MSFC - un test combiné qui inclut :
- La vitesse de marche sur 25 pieds
- La coordination des mains (9-Hole Peg Test)
- La fonction cognitive (Paced Auditory Serial Addition Test)
Une étude de 2023 a montré que la perte de matière grise prédit la progression du MSFC sur 6,6 ans. C’est plus précis que les lésions à l’IRM. Si votre neurologue ne vous fait pas ce test, demandez-le. Il donne une image réelle de votre évolution.
Sophie Britte
décembre 10, 2025Je trouve ça incroyablement clair, même pour quelqu’un qui n’a pas de background médical. J’ai un cousin avec une SEP rémittente, et ce qu’il décrit comme une « fatigue qui écrase » correspond exactement à ce qu’on lit ici. Merci pour ce résumé qui fait du bien à lire.