Une surdose de sédatifs ou de médicaments pour dormir n’est pas un simple sommeil profond. C’est une urgence médicale qui peut tuer en quelques minutes. Beaucoup pensent que ces pilules sont sûres parce qu’elles sont prescrites, ou qu’on les trouve en vente libre. Mais quand on en prend trop - même un peu plus que la dose recommandée - le corps peut s’arrêter de respirer. Et personne ne le voit venir.
Les signes qui ne trompent pas
Le premier signe, souvent ignoré, c’est la non-réactivité. Si la personne ne répond pas quand vous la secouez fort, quand vous lui parlez haut et clairement, ou quand vous faites une pression sur le sternum (le milieu de la poitrine), ce n’est pas qu’elle dort profondément. C’est qu’elle est en train de perdre le contrôle de son système nerveux central.
Ensuite, observez la respiration. Une personne normale respire entre 12 et 20 fois par minute. En cas de surdose, ce nombre chute. Moins de 8 respirations par minute, c’est un signal d’alerte rouge. La respiration devient superficielle, irrégulière, parfois presque inexistante. Les lèvres, les doigts, les ongles peuvent devenir bleuâtres - c’est le cyanose. Cela signifie que le sang ne transporte plus assez d’oxygène. C’est grave. Très grave.
La parole aussi change. Les mots sortent pâteux, entrecoupés, comme si la personne avait bu beaucoup d’alcool. Mais elle n’a pas bu. C’est le médicament qui la rend ainsi. Elle peut aussi être complètement désorientée : ne pas savoir où elle est, ne pas reconnaître ses proches, ne pas se souvenir de ce qui vient de se passer. C’est une forme d’amnésie qui empêche de former de nouveaux souvenirs.
Le corps perd aussi son équilibre. Elle titube, tombe, ne peut plus tenir debout sans s’appuyer. Même tenir une tasse est impossible. C’est l’ataxie - un manque de coordination musculaire directement lié à la dépression du cerveau. Et tout cela peut aller jusqu’au coma : une perte totale de conscience, mesurée par une échelle de Glasgow inférieure à 8.
Différences entre les types de médicaments
Tous les somnifères ne se ressemblent pas. Les benzodiazépines (comme le zolpidem, l’alprazolam ou le temazepam) et les « Z-drugs » agissent sur le cerveau de façon similaire, mais leur danger varie.
Les benzodiazépines, même en surdose, gardent souvent une pression artérielle et un rythme cardiaque relativement stables - jusqu’au moment où la respiration s’arrête. C’est ce qui les rend trompeuses. La personne semble « juste très endormie », alors qu’elle est en train de mourir lentement.
Les barbituriques, beaucoup moins prescrits aujourd’hui, sont bien plus dangereux. Ils dépressent la respiration à des doses bien plus faibles. Un seul excès peut être fatal.
Les somnifères en vente libre, comme ceux contenant du diphenhydramine (Tylenol PM, Benadryl), sont un autre piège. Ils provoquent une somnolence extrême, mais aussi une bouche sèche, une rétention urinaire, et parfois des hallucinations ou des crises. Ce ne sont pas des sédatifs classiques, mais leur surdose peut aussi tuer, surtout chez les personnes âgées ou celles qui prennent d’autres médicaments.
Le melatonin, lui, est différent. Même en prenant 60 fois la dose normale, les symptômes restent légers : maux de tête, nausées, étourdissements. Pas de dépression respiratoire. Ce n’est pas un sédatif puissant, et une surdose n’est presque jamais vitale.
Le pire danger : les mélanges
Le vrai risque, c’est quand les sédatifs sont mélangés. Avec de l’alcool ? C’est une bombe. Avec des opioïdes comme le fentanyl ? C’est une sentence de mort. La combinaison double ou triple la dépression respiratoire. Selon les données du CDC, 23 % des décès liés aux benzodiazépines en 2021 impliquaient aussi du fentanyl. Ce n’est pas une coïncidence. C’est une tendance meurtrière.
Beaucoup de gens ne réalisent pas qu’un simple verre de vin avec leur somnifère peut être fatal. Ou qu’un analgésique contenant de l’oxycodone, pris avec du zolpidem, peut stopper la respiration sans avertissement. Les médecins le disent : il n’y a pas de « dose sûre » quand on mélange. Le corps ne peut pas gérer cette combinaison.
Que faire en cas de suspicion ?
Ne perdez pas de temps à chercher des réponses sur Google. Ne laissez pas la personne « se réveiller toute seule ». Ne la laissez pas dormir sur le côté en espérant que ça passera.
Voici ce qu’il faut faire immédiatement :
- Évaluez la réactivité : Criez son nom, secouez-le doucement, puis faites une pression ferme sur le sternum (le centre de la poitrine). S’il ne réagit pas, c’est une urgence.
- Comptez la respiration : Regardez sa poitrine pendant 30 secondes. Si elle respire moins de 6 fois, c’est un arrêt respiratoire en cours.
- Regardez les lèvres et les ongles : Sont-ils bleus ? C’est un signe que le sang manque d’oxygène.
- Appelez les secours : Composez le 15 (SAMU) ou le 112. Dites clairement : « Je soupçonne une surdose de somnifères. La personne est inconsciente et respire très peu. »
- Commencez la respiration artificielle : Si elle ne respire pas, ou si elle respire moins d’une fois toutes les 5 secondes, commencez à lui donner des souffles toutes les 5 secondes. Ne l’abandonnez pas.
Ne lui donnez jamais de flumazenil (le médicament qui inverse l’effet des benzodiazépines). Ce n’est pas un antidote à prendre à la maison. Il peut provoquer des crises chez les personnes dépendantes. Les hôpitaux l’utilisent avec précaution, sous surveillance. À la maison, c’est dangereux.
Les erreurs courantes qui coûtent des vies
Les études montrent que 68 % des témoins pensent d’abord que la personne « est juste très fatiguée ». Un ami sur Reddit raconte avoir pensé que son colocataire « dormait juste très profondément après une longue semaine ». Il a attendu 47 minutes avant d’appeler les secours. La personne est morte.
Un autre croit que « c’est juste de l’alcool ». Mais la personne n’a pas bu. C’est du zolpidem. Et la respiration ralentit. Sans intervention, elle s’arrête.
Beaucoup aussi pensent que « puisque c’est une ordonnance, ça ne peut pas être mortel ». Ce n’est pas vrai. En 2021, plus de 12 500 personnes sont mortes aux États-Unis d’une surdose de benzodiazépines. Le nombre a augmenté de 218 % depuis 2010. Ce n’est pas un phénomène rare. C’est une crise de santé publique.
Comment prévenir ?
Si vous ou quelqu’un que vous aimez prenez ces médicaments :
- Ne prenez jamais plus que la dose prescrite.
- Ne mélangez jamais avec de l’alcool, des opioïdes ou d’autres somnifères.
- Conservez les médicaments hors de portée des enfants et des adolescents.
- Si vous avez des doutes sur votre consommation, parlez-en à votre médecin. Il existe des alternatives non médicamenteuses pour dormir : thérapie cognitivo-comportementale, hygiène du sommeil, régularité des horaires.
- Si vous avez un proche qui prend ces médicaments, gardez une bouteille de naloxone à la maison - même si elle ne fonctionne pas sur les sédatifs, elle peut sauver une vie en cas de mélange avec des opioïdes.
La prévention, c’est aussi savoir reconnaître les signes avant-coureurs : une personne qui dort plus que d’habitude, qui semble « éteinte », qui oublie les conversations, qui tombe souvent. Ce n’est pas de la paresse. C’est un avertissement.
Que faire après avoir sauvé une vie ?
Si vous avez reconnu une surdose à temps et que la personne a été sauvée, ce n’est pas la fin. C’est le début d’un besoin de soutien. Beaucoup de personnes qui ont fait une surdose souffrent d’anxiété, de troubles du sommeil chroniques, ou d’une dépendance non diagnostiquée.
Le médecin doit évaluer s’il y a un trouble de l’usage de sédatifs. Des questionnaires comme le Benzodiazepine Dependence Self-Report Questionnaire (8 items) sont utilisés dans les urgences pour détecter les risques. La prise en charge psychologique, les groupes de soutien, les thérapies comportementales sont essentielles pour éviter une récidive.
Ne laissez pas cette personne seule après l’urgence. Une surdose n’est pas juste un accident. C’est souvent le signe d’un mal plus profond.
Comment savoir si quelqu’un fait une surdose de somnifères et non qu’il dort simplement profondément ?
La différence, c’est la réactivité. Une personne qui dort profondément réagit à une stimulation forte : un cri, une secousse, une pression sur le sternum. Une personne en surdose ne réagit pas du tout. En plus, sa respiration est très lente (moins de 8 respirations par minute), ses lèvres sont bleues, et sa peau est froide et humide. Ce n’est pas un sommeil normal - c’est une dépression du système nerveux central.
Est-ce que le melatonin peut provoquer une surdose mortelle ?
Non. Même en prenant 60 fois la dose recommandée (240 mg), le melatonin ne cause pas de dépression respiratoire. Les symptômes sont limités à des maux de tête, des nausées ou des étourdissements. Ce n’est pas un sédatif puissant comme les benzodiazépines ou les Z-drugs. Il ne bloque pas la respiration. Une surdose de melatonin est rarement dangereuse, contrairement aux médicaments sur ordonnance.
Pourquoi ne pas donner le flumazenil à la maison ?
Le flumazenil peut inverser l’effet des benzodiazépines, mais il est extrêmement dangereux à utiliser sans surveillance médicale. Chez les personnes dépendantes, il peut provoquer des crises d’épilepsie sévères, voire mortelles. L’FDA a documenté 17 décès liés à son utilisation incorrecte. Il ne doit être administré que dans un hôpital, avec un accès immédiat à une réanimation.
Les médicaments en vente libre pour dormir sont-ils plus sûrs que les ordonnances ?
Pas du tout. Les somnifères en vente libre comme le diphenhydramine (Benadryl, Tylenol PM) peuvent provoquer des surdoses mortelles, surtout chez les personnes âgées. Ils causent une somnolence extrême, une bouche sèche, une rétention urinaire, et à fortes doses, des hallucinations ou des crises. Leur danger est sous-estimé parce qu’ils sont sans ordonnance - mais ils dépressent le système nerveux, et en excès, ils peuvent arrêter la respiration.
Quelle est la différence entre une surdose de benzodiazépines et une surdose d’opioïdes ?
Les surdoses d’opioïdes (comme l’heroin ou le fentanyl) se reconnaissent souvent aux pupilles très petites (« pupilles en pointe »). Les surdoses de benzodiazépines n’ont pas ce signe. Elles se reconnaissent plutôt par l’absence totale de réactivité, une respiration très lente, et des signes de dépression nerveuse sans douleur ni pupilles rétrécies. Mais si les deux sont mélangés, les signes se mélangent aussi - et le risque de mort augmente drastiquement.
Combien de temps faut-il pour qu’une surdose devienne mortelle ?
Cela dépend de la dose, du médicament, et de la rapidité de l’intervention. Mais chaque minute compte. Une étude montre que pour chaque minute de retard dans l’action, la probabilité de survie diminue de 7 à 10 %. Si la respiration s’arrête complètement, le cerveau commence à mourir après 3 à 5 minutes. C’est pourquoi agir en moins de 10 minutes est crucial.
Gert-jan Dikkescheij
novembre 17, 2025Je suis médecin en Suisse et j'ai vu trop de cas où les gens pensaient qu'un somnifère c'était comme un paracétamol. La respiration qui ralentit, les lèvres bleues, le silence... c'est pas du sommeil, c'est un arrêt progressif. Et la plupart du temps, les proches attendent « qu'elle se réveille » comme si c'était une sieste. J'ai perdu un patient il y a deux semaines à cause de ça. Il avait pris du zolpidem avec un verre de vin. Juste un verre.
On a besoin de campagnes de sensibilisation, pas juste des notices en petits caractères.