Vous prenez de la curcumine pour vos articulations, du millepertuis pour l’anxiété, ou simplement une multivitamine chaque matin. Vous pensez que c’est « naturel », donc inoffensif. Mais avez-vous déjà parlé de tout ça à votre médecin ? La plupart des gens non. Et c’est un risque sérieux.
Les compléments ne sont pas des bonbons
Beaucoup croient que si un produit est vendu en pharmacie ou en magasin bio, il est automatiquement sûr. Ce n’est pas vrai. Les compléments alimentaires et les herbes médicinales ont des effets biologiques puissants. Certains agissent comme des médicaments - et peuvent entrer en conflit avec ceux que vous prenez déjà.Par exemple, le millepertuis, très populaire pour la dépression légère, réduit l’efficacité des contraceptifs oraux, des anticoagulants comme la warfarine, et même certains antidépresseurs. Le gingembre ou l’ail, pris en grande quantité, peuvent augmenter le risque de saignements avant une chirurgie. La mélatonine peut interférer avec les traitements de l’hypertension. Et pourtant, 68 % des personnes qui prennent des compléments pensent que leur médecin n’a pas besoin de le savoir, selon une enquête de ConsumerLab.com en 2022.
Le problème ? Votre médecin ne peut pas vous protéger s’il ne sait pas ce que vous prenez. Il ne lit pas dans vos pensées. Il ne voit pas vos bouteilles dans votre armoire. Il ne sait pas que vous avez commencé à prendre du CBD pour dormir, ou du ginseng pour « avoir plus d’énergie ».
La faute est-elle seulement à vous ?
Pas tout à fait. Beaucoup de patients n’en parlent pas parce que leur médecin ne pose jamais la question. Une étude publiée dans le Journal of Family Medicine and Disease Prevention en 2018 montre que seulement 13 % des patients déclarent spontanément leur usage de compléments à leur médecin de famille. Pourtant, quand le médecin pose une question directe - « Est-ce que vous prenez des herbes, des vitamines ou des suppléments en ce moment ? » - les taux de déclaration montent à 78 %.La plupart des consultations durent entre 15 et 20 minutes. Le médecin doit traiter votre tension artérielle, votre diabète, votre douleur au dos, et votre anxiété. Il ne pense pas à demander ce que vous prenez en complément. Et vous ? Vous ne voulez pas qu’il vous juge. Vous avez peur qu’il vous dise : « Arrêtez ça, c’est inutile. » Ou pire : « Pourquoi vous prenez ça ? »
La réalité ? Votre médecin ne veut pas vous juger. Il veut vous aider. Un médecin formé en médecine intégrative sait que les plantes peuvent être utiles - mais aussi dangereuses si mal utilisées. Et il a besoin d’avoir toute la picture pour prendre les bonnes décisions.
Les conséquences réelles de ne pas dire la vérité
Sur Reddit, un utilisateur raconte : « J’ai pris des pilules d’ail pendant des mois pour « nettoyer mon sang ». Mon médecin ne m’a jamais demandé. Pendant une petite chirurgie, j’ai saigné comme un porc. Ils ont dû arrêter l’intervention. »Un autre, sur HealthUnlocked, confie : « J’ai pris du curcuma pendant deux ans pour l’inflammation. Mon cardiologue ne m’a jamais demandé. Jusqu’au jour où il a dit : “Vous prenez quoi d’autre ?” J’ai répondu : “Du curcuma.” Il a pâli : “C’est un anticoagulant naturel. Vous êtes sur du losartan. Vous auriez pu avoir une hémorragie cérébrale.” »
Les données le confirment : entre 30 % et 44 % des patients utilisant des compléments ne les déclarent jamais. Et pourtant, les interactions médicamenteuses impliquant des plantes ou des suppléments sont responsables de milliers d’hospitalisations chaque année aux États-Unis. L’Agence américaine de la santé (FDA) reçoit moins de 1 % des effets indésirables réels - parce que la plupart ne sont jamais signalés.
Le pire ? Les patients atteints de maladies chroniques - diabète, hypertension, cancer, maladies cardiaques - sont les plus à risque. Ceux-là mêmes qui prennent 4, 5, 6 médicaments différents, et qui ajoutent des compléments « pour se sentir mieux ». Sans savoir qu’ils risquent de rendre leurs traitements inefficaces - ou de les rendre toxiques.
Que devez-vous dire exactement ?
Ne vous contentez pas de dire : « Je prends des vitamines. »Voici ce que votre médecin a besoin de savoir :
- Le nom exact du produit (ex : « Curcuma 500 mg de PhytoScience »)
- La dose (ex : « 2 gélules par jour »)
- La fréquence (ex : « tous les jours » ou « seulement quand j’ai mal »)
- La raison pour laquelle vous le prenez (ex : « pour réduire l’inflammation »)
- Combien de temps vous le prenez (ex : « depuis 3 ans »)
Apportez les bouteilles à votre rendez-vous. Même si elles sont vides. Même si vous avez peur que ça ait l’air « bizarre ». Votre médecin n’a pas besoin de les acheter. Il a besoin de voir les ingrédients. Parce que « curcuma » peut être étiqueté comme « curcumine », « turmeric », ou « Curcuma longa ». Et certains produits contiennent des substances cachées - comme des anti-inflammatoires synthétiques ou des hormones - non déclarées sur l’étiquette.
La FDA exige que les compléments portent la mention : « Non évalué par la FDA. Ne vise pas à diagnostiquer, traiter, guérir ou prévenir une maladie. » Mais beaucoup de consommateurs ignorent cette ligne. Et c’est là que le danger commence.
Comment aborder la conversation sans avoir l’air d’un fou
Vous n’avez pas besoin d’être confrontatif. Voici une phrase simple que vous pouvez dire dès le début de votre rendez-vous :« Je voudrais vous parler de ce que je prends en compléments, en herbes, ou en vitamines. Je ne sais pas si c’est important, mais je veux m’assurer que ça ne pose pas de problème avec mes médicaments. »
C’est tout. Pas besoin de justifier. Pas besoin d’excuses. Vous n’êtes pas un patient « alternatif ». Vous êtes un patient qui prend soin de sa santé - et qui veut que son médecin soit au courant.
Si votre médecin ne pose jamais de questions, posez-la vous-même. C’est votre santé. Et vous êtes le seul à avoir toutes les pièces du puzzle.
Et si votre médecin ne connaît rien aux plantes ?
C’est plus courant que vous ne le pensez. Une enquête de JAMA Internal Medicine en 2021 montre que seulement 27 % des médecins se sentent suffisamment formés pour conseiller sur les compléments. Cela ne veut pas dire qu’ils sont incompétents. Ça veut dire qu’ils n’ont pas appris ça à la fac.Vous pouvez aider. Apportez des informations fiables : un lien vers le site du National Center for Complementary and Integrative Health (NCCIH), ou un résumé des interactions connues. Mais ne venez pas avec un article de blog ou une page Facebook. Privilégiez les sources scientifiques.
Et si votre médecin réagit avec méfiance ou mépris ? Changez de médecin. Il y a des professionnels formés en médecine intégrative - ils savent combiner les traitements conventionnels et les approches naturelles, sans jugement. Ils ne disent pas « arrêtez tout ». Ils disent : « On va voir ensemble ce qui est sûr pour vous. »
Les outils qui facilitent la déclaration
Des applications comme MyMedList permettent de créer un inventaire numérique de tout ce que vous prenez : médicaments, compléments, herbes, vitamines. Vous pouvez l’imprimer, le montrer à votre médecin, ou le partager en quelques clics. Une étude en 2023 a montré que ces outils augmentent la précision de la déclaration de 44 %.Et dans les années à venir, les dossiers médicaux électroniques devraient inclure un champ obligatoire pour les compléments - comme il y en a déjà pour les médicaments sur ordonnance. Ce sera normal. Comme dire que vous fumez ou que vous buvez de l’alcool.
Vous n’êtes pas seul
Vous n’êtes pas le seul à avoir peur de parler. Vous n’êtes pas le seul à penser que c’est « inutile ». Mais les chiffres sont clairs : plus vous parlez, plus vous êtes en sécurité. Et plus votre médecin peut vous aider.La prochaine fois que vous allez chez le médecin, prenez vos bouteilles. Écrivez les noms. Notez les doses. Et dites-le. Pas parce que c’est obligatoire. Mais parce que vous méritez un soin complet. Et votre médecin mérite de connaître toute la vérité.
Parce que ce n’est pas une question de « naturel » ou « artificiel ». C’est une question de sécurité. Et vous êtes le seul à pouvoir la garantir.
Jacque Johnson
décembre 8, 2025J’ai longtemps cru que les compléments, c’était comme du thé vert ou du miel - inoffensif. Puis j’ai eu une réaction avec mon anticoagulant. J’ai failli ne pas voir mes enfants grandir. Maintenant, j’apporte mes bouteilles à chaque rendez-vous. Même si le médecin rigole. Je préfère qu’il rigole que qu’il me mette en réanimation.