Si vous prenez ou envisagez de prendre de la canagliflozine pour votre diabète de type 2, vous avez probablement entendu parler d’un risque d’amputation. Ce n’est pas une alerte fantôme. Ce n’est pas une peur exagérée. C’est un fait clinique, étudié, mesuré - et mal compris. La vérité, c’est que ce médicament peut augmenter le risque d’amputation, mais seulement pour certains patients, et seulement si on ne prend pas les bonnes précautions. Ce n’est pas une raison de l’arrêter. C’est une raison de l’utiliser avec plus de vigilance.
Le risque est réel - mais pas pour tout le monde
En 2017, les résultats du programme CANVAS ont fait trembler la communauté médicale. Chez les patients traités par canagliflozine, le risque d’amputation des membres inférieurs était presque deux fois plus élevé que chez ceux qui prenaient un placebo. Pour 1 000 patients traités pendant un an, on comptait 5,5 amputations avec la dose de 300 mg, contre 2,8 avec le placebo. Ce n’est pas un chiffre anecdotique. C’est une tendance statistiquement significative, confirmée par plusieurs études ultérieures. Mais attention : ce risque ne touche pas tous les patients de la même manière. La grande majorité des amputations observées (80 %) étaient mineures : orteil ou métatarse. Seuls 20 % étaient des amputations au-dessus de la cheville. Et les patients concernés avaient presque toujours des facteurs de risque préexistants : neuropathie diabétique, maladie artérielle périphérique, ulcères antérieurs, ou tabagisme actif. En clair, la canagliflozine ne crée pas des amputations chez des gens en bonne santé. Elle aggrave des problèmes déjà présents.Pourquoi seulement la canagliflozine ?
C’est ici que les choses deviennent intéressantes. Tous les inhibiteurs SGLT2 ne se ressemblent pas. La canagliflozine est la seule à avoir montré ce risque de manière claire et répétée. L’empagliflozine (Jardiance), le dapagliflozine (Farxiga), l’ertugliflozine - aucune de ces molécules n’a montré le même signal dans des essais cliniques de grande envergure. Une méta-analyse de 2023 a confirmé : parmi les SGLT2, seule la canagliflozine est associée à un risque d’amputation significatif (OR 1,6). Pourquoi ? Les chercheurs pensent que cela vient de son effet plus marqué sur la pression artérielle et la perte de poids. Chez les patients déjà à risque de mauvaise circulation, une baisse soudaine de la pression peut réduire encore plus le flux sanguin vers les pieds. C’est comme débrancher un tuyau déjà presque bouché.La FDA a retiré l’avertissement - mais le risque n’a pas disparu
En 2017, la FDA a imposé une alerte de niveau maximum : la « boxed warning ». En 2020, elle l’a retirée. Beaucoup ont interprété cela comme une rétractation. Ce n’est pas le cas. La FDA a simplement jugé que les bénéfices du médicament - réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque, protection rénale - l’emportaient sur le risque, si le patient était bien sélectionné. Le risque n’est plus en haut de la fiche produit. Il est toujours là. Dans la section « Précautions d’emploi ». Et il est clairement mentionné : surveillez les douleurs, les plaies, les infections au niveau des jambes et des pieds. Le message est le même. Seul le ton a changé.
Qui ne devrait pas prendre de canagliflozine ?
Voici les patients pour qui ce médicament est déconseillé - voire contre-indiqué :- Patients avec maladie artérielle périphérique (MAP) confirmée (indice cheville-bras < 0,9)
- Patients ayant déjà eu un ulcère du pied ou une amputation
- Patients avec neuropathie diabétique sévère et perte de sensibilité
- Tabagiques actifs, surtout s’ils ont d’autres facteurs de risque vasculaire
- Patients avec pouls pédiens absents ou très faibles à l’examen
Comment se protéger si vous prenez la canagliflozine ?
Vous êtes éligible. Vous avez des bénéfices clairs. Vous voulez continuer. Voici ce qu’il faut faire :- Examen du pied à chaque consultation - pas une simple vérification visuelle. Votre médecin doit palper les pouls, tester la sensibilité avec un fil de nylon, vérifier la température de la peau.
- Auto-surveillance quotidienne - Regardez vos pieds chaque matin. Cherchez les rougeurs, les cloques, les coupures, les zones plus froides. Même si vous n’avez pas mal. La neuropathie fait que vous ne sentez pas tout.
- Ne portez jamais de chaussures sans chaussettes - même à la maison. Un petit caillou, une couture mal placée, une plaque chaude du radiateur - tout peut devenir une plaie.
- Ne traitez pas vous-même les cors ou les callosités - consultez un podologue. Un curetage mal fait peut ouvrir une porte à une infection.
- Arrêtez de fumer - c’est le facteur le plus modifiable. Le tabac réduit le flux sanguin, augmente l’inflammation, et double le risque d’amputation.
Beat Steiner
décembre 3, 2025J'ai pris la canagliflozine pendant 2 ans. Pas de problème. Mais j'ai toujours vérifié mes pieds chaque matin, même quand j'étais en vacances. Un petit coup de chaud, un caillou, et hop. Mieux vaut prévenir que guérir.
Je recommande à tout le monde de faire comme moi : regarder, toucher, ne pas attendre que ça fasse mal.