La constipation causée par les médicaments est plus courante que vous ne le pensez
Si vous prenez des analgésiques puissants, des antihistaminiques, des antipsychotiques ou même des compléments de fer, vous avez entre 25 % et 60 % de chances de développer une constipation liée aux médicaments. Ce n’est pas une simple gêne passagère : c’est un effet secondaire réel, souvent mal compris, qui pousse jusqu’à 20 % des patients à arrêter un traitement essentiel. Beaucoup croient que manger plus de fibres ou boire plus d’eau suffira - mais ce n’est pas vrai. La constipation médicamenteuse agit sur les nerfs de l’intestin, pas seulement sur le contenu du côlon. Elle ne se traite pas comme une constipation ordinaire.
Comment les médicaments ralentissent votre transit
Chaque classe de médicaments bloque le transit intestinal d’une manière précise. Les opioïdes, comme l’oxycodone ou la morphine, se fixent sur les récepteurs μ dans les parois intestinales. Cela ralentit les contractions naturelles (péristaltisme), réduit la sécrétion de liquides et augmente l’absorption d’eau. Résultat : des selles dures, sèches, et difficiles à expulser. Les études montrent que jusqu’à 60 % des patients sous opioïdes pour la douleur chronique souffrent de constipation sévère.
Les anticholinergiques - comme la diphenhydramine (Benadryl) ou certains antihistaminiques anciens - bloquent l’acétylcholine, un neurotransmetteur essentiel pour la contraction musculaire. Sans ce signal, les intestins deviennent paresseux. Des recherches dans Gastroenterology montrent une baisse de 30 à 40 % du péristaltisme chez les utilisateurs réguliers.
Les bloqueurs calciques, comme le diltiazem ou le vérapamil, détendent les muscles lisses de l’intestin. Cela ralentit le transit de 20 à 25 %. Les diurétiques, eux, déshydratent le corps. Moins d’eau dans les selles = selles dures. Et si vous avez aussi un taux de potassium bas (hypokaliémie), le transit ralentit encore davantage.
Les suppléments de fer sont un autre coupable silencieux. Ils créent une inflammation locale et déséquilibrent la flore intestinale. Des études dans l’European Journal of Clinical Nutrition montrent une réduction de 25 à 30 % de la vitesse de transit chez les patients sous fer.
Les erreurs courantes qui aggravent la situation
La pire erreur ? Attendre d’être constipé avant d’agir. Beaucoup de patients, et même certains médecins, pensent que la constipation est une conséquence normale qu’il faut « supporter ». C’est faux. Les lignes directrices de l’NCBI et de BC Cancer recommandent de commencer un laxatif dès le premier jour d’un traitement opioïde.
Autre erreur fréquente : prendre des fibres solubles comme le psyllium (Metamucil). Pour la constipation médicamenteuse, cela peut empirer les choses. Les fibres ajoutent du volume, mais si les intestins ne bougent pas, ça crée un blocage. Des analyses de GoodRx montrent que 20 à 30 % des patients sous opioïdes voient leur constipation s’aggraver avec les suppléments de fibres.
Et puis il y a l’attente : 65 % des patients ne reçoivent aucune information sur la constipation quand on leur prescrit un opioïde. Ils souffrent pendant des mois avant de parler de leur problème. Résultat : des visites aux urgences, des douleurs abdominales, et parfois des occlusions intestinales.
Les traitements efficaces - et ceux à éviter
Pas de solution universelle. Le traitement dépend du médicament qui cause le problème.
- Pour les opioïdes : Les antagonistes périphériques des récepteurs opioïdes (PAMORAs) comme le méthylnaltrexone (Relistor) ou le naloxégol (Movantik) agissent directement sur les récepteurs de l’intestin, sans affecter la douleur. Ils déclenchent un mouvement intestinal en 4 à 6 heures. Des essais cliniques sur 713 patients ont montré une augmentation de 30 à 40 % des selles spontanées.
- Pour les anticholinergiques : Remplacer la diphenhydramine par une alternative comme la loratadine (Claritin) réduit le risque de constipation de 15 % à seulement 2-3 %. C’est une simple substitution, mais elle change tout.
- Pour tous les types : Le polyéthylène glycol (PEG 3350) à 17 g par jour est la première ligne recommandée par la Journal of Neurogastroenterology and Motility. Il attire l’eau dans l’intestin sans stimuler les nerfs. Il est efficace chez 50 à 60 % des patients.
- Les sénosides (séné) à 17-34 mg par jour sont aussi très utilisés, surtout dans les centres de soins oncologiques. Une étude de BC Cancer montre que 72 % des patients sous séné + PEG n’ont plus de constipation, même sous opioïdes forts.
À éviter : les laxatifs de type stimulant à long terme (comme le bisacodyl en continu), qui peuvent entraîner une dépendance ou des déséquilibres électrolytiques. Et surtout, ne pas utiliser les fibres comme traitement principal.
Les coûts et les barrières réelles
Le problème n’est pas seulement médical - c’est aussi financier. Le Relistor coûte en moyenne 1 200 $ par mois sans assurance. Pour beaucoup, c’est inabordable. Même dans les systèmes de santé publics, les prescriptions de PAMORAs sont souvent retardées de 3 mois ou plus, selon une enquête de BC Cancer.
En revanche, le PEG et les sénosides coûtent moins de 10 $ par mois. Ils sont accessibles, efficaces, et recommandés dès le départ. Pour les patients qui ne peuvent pas se permettre les traitements de pointe, une combinaison de PEG + sénosides + hydratation suffit à contrôler la constipation dans la majorité des cas.
Les hôpitaux qui ont mis en place des alertes automatiques dans leurs dossiers médicaux (comme Kaiser Permanente) ont réduit les visites aux urgences liées à la constipation de 22 %. C’est un modèle qui devrait être généralisé.
Comment agir dès maintenant
Voici ce que vous pouvez faire dès aujourd’hui :
- Identifiez vos médicaments : avez-vous un opioïde, un anticholinergique, un bloqueur calcique ou du fer ?
- Ne patientez pas. Si vous prenez un médicament à risque, commencez dès maintenant un laxatif osmotique (PEG 17 g/jour).
- Évitez les fibres solubles (psyllium) si vous êtes sous opioïdes. Privilégiez les fibres insolubles (son d’avoine, légumes) mais en petite quantité.
- Boyez 2 à 3 litres d’eau par jour - pas seulement pour la constipation, mais pour que les laxatifs fonctionnent.
- Parlez à votre médecin. Dites-lui : « Je prends [nom du médicament], et j’ai des selles dures ou moins de 3 par semaine. Quelle solution recommandez-vous ? »
Il n’y a pas de honte à demander de l’aide. La constipation médicamenteuse est un effet secondaire reconnu, pas une faiblesse personnelle. Des milliers de patients vivent avec des opioïdes et une bonne qualité de vie - grâce à un bon plan de gestion.
Les nouvelles pistes de recherche
Le futur de la gestion de la constipation médicamenteuse est en train de s’écrire. Des traitements ciblant le microbiote intestinal, comme le SER-287 de Seres Therapeutics, sont en phase 2 d’essais cliniques. Des algorithmes d’intelligence artificielle, testés à la Mayo Clinic, analysent les antécédents médicaux et proposent automatiquement une prophylaxie personnalisée. Résultat : une réduction de 30 % des cas de constipation chez les patients à risque.
Le message est clair : la constipation liée aux médicaments n’est plus une fatalité. Elle est prévisible, prévenable, et traitable. Ce qui manque, ce n’est pas la science - c’est la communication. Si vous êtes sur un traitement à risque, ne laissez pas la constipation vous voler votre confort. Agissez maintenant.
La constipation causée par les médicaments est-elle différente de la constipation ordinaire ?
Oui. La constipation ordinaire est souvent due à un mode de vie sédentaire ou à une faible consommation de fibres. La constipation médicamenteuse, elle, est causée par une action directe des médicaments sur les nerfs et les muscles de l’intestin. Les laxatifs classiques comme les fibres solubles (psyllium) ne fonctionnent pas bien, car ils n’agitent pas le transit. Il faut des traitements ciblés : osmotiques (PEG), stimulants (sénosides) ou antagonistes des récepteurs opioïdes (PAMORAs).
Quels médicaments sont les plus à risque de provoquer une constipation ?
Les opioïdes (morphine, oxycodone, codeine) sont les plus fréquents, avec jusqu’à 60 % de risque. Viennent ensuite les anticholinergiques (diphenhydramine, certains antidépresseurs tricycliques), les bloqueurs calciques (vérapamil, diltiazem), les diurétiques (furosémide, hydrochlorothiazide) et les suppléments de fer. Les antipsychotiques comme la clozapine sont aussi très problématiques, avec un ralentissement du transit de 25 à 35 %.
Faut-il arrêter le médicament si je suis constipé ?
Non. Arrêter un médicament prescrit peut être dangereux. L’objectif n’est pas d’arrêter le traitement, mais de gérer son effet secondaire. Des solutions existent : laxatifs adaptés, changement de molécule (ex : remplacer la diphenhydramine par la loratadine), ou traitements spécifiques comme le Relistor. Parlez à votre médecin - il existe toujours une solution pour continuer le traitement tout en évitant la constipation.
Combien de temps faut-il pour que les laxatifs agissent ?
Cela dépend du type. Les laxatifs osmotiques comme le PEG prennent 1 à 3 jours. Les stimulants comme le séné agissent en 6 à 12 heures. Les PAMORAs, comme le méthylnaltrexone, agissent en 4 à 6 heures - c’est le plus rapide. Pour les patients sous opioïdes, les PAMORAs sont souvent la meilleure option si la constipation est sévère ou chronique.
Les fibres aident-elles contre la constipation médicamenteuse ?
Pas vraiment, et parfois elles aggravent le problème. Les fibres solubles (psyllium) ajoutent du volume sans stimuler les contractions intestinales. Si les intestins sont déjà ralentis par un médicament, ça peut créer un blocage. Les fibres insolubles (son, légumes) en petite quantité peuvent aider, mais elles ne suffisent jamais seules. Elles doivent être combinées à un laxatif adapté. Selon GoodRx, 20 à 30 % des patients sous opioïdes voient leur constipation empirer avec les fibres.
Est-ce que la constipation médicamenteuse est permanente ?
Non. Elle disparaît généralement si le médicament est arrêté. Mais si vous devez le prendre longtemps (comme pour la douleur chronique ou la schizophrénie), la constipation peut devenir chronique - sans traitement adapté. Heureusement, les options de gestion sont maintenant bien établies. Avec le bon plan, vous pouvez vivre normalement sans constipation, même sous opioïdes ou antipsychotiques.
Nadine Porter
novembre 20, 2025J'ai passé des mois à me dire que c'était normal d'être constipé sous oxycodone. J'ai lu cet article en pleurant. Personne ne m'avait jamais dit que c'était une réaction pharmacologique, pas une faiblesse. J'ai commencé le PEG hier. J'ai déjà eu une selle hier soir. Je ne savais pas que c'était possible.